La réforme des collectivités territoriales portée par la loi du 16 décembre 2010 (loi RCT) avait pour ambition « d’engager avec résolution un exercice de simplification et de clarification de notre paysage institutionnel pour ancrer durablement la décentralisation ». Elle devait s’inscrire dans la dynamique initiée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) et constituer une deuxième étape de modernisation des structures administratives locales. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce texte n’a pas été soumis au Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale (CSFPT), dont l’une des attributions est pourtant d’examiner les projets de loi relatifs à la FPT.


 

Conscient de son impact probable sur le fonctionnement des services publics locaux, le Conseil supérieur a confié à huit élèves administrateurs de l’INET une étude sur les conséquences de cette loi pour les agents de la fonction publique territoriale. Pour prolonger l’analyse du texte de loi, ceux-ci ont rencontré les cadres et les organisations syndicales de quatre EPCI : Est Ensemble (93), Nantes Métropole (44), Nice Côte d’Azur (06) et Plaine Commune (93).

À première vue, la loi RCT ne comporte pas d’innovations majeures concernant le cadre réglementaire et statutaire des agents de la FPT. Le dispositif législatif se concentre essentiellement sur des éléments institutionnels : métropole, pôle métropolitain, conseiller territorial, etc. Mais une analyse plus fine met en évidence les omissions, les équivoques et les imprécisions du texte : les agents concernés par un transfert de compétence, à la demande d’une métropole, sont-ils mutés ou mis à disposition ? Que deviennent-ils lors du regroupement de départements ou de régions, possibilité nouvelle ouverte par la loi ? Qu’advient-il lorsqu’une compétence exercée par un EPCI n’est plus prise en charge par la nouvelle structure issue d’une fusion, ce qui se produit parfois pour des services de proximité ?

Plus généralement, la loi RCT a – ou aura – pour conséquence principale une refonte significative de la carte administrative locale, avec des EPCI nouveaux, fusionnés, supprimés, remodelés… Ces mouvements entraînent des transferts de personnels qui sont bien prévus et encadrés par la loi. Cependant, la mise en œuvre de mutualisations donne souvent lieu à des contentieux juridiques en raison de la complexité du droit applicable. Sur ces questions, la loi n’apporte rien de nouveau et son entrée en vigueur ne s’est pas accompagnée d’un effort de stabilisation du droit et de la jurisprudence qu’appelaient pourtant de leurs vœux certains cadres locaux rencontrés.

Du point de vue des agents, la loi RCT est surtout synonyme de mutations et de transformations, participant d’un mouvement qui semble ne plus devoir se terminer. C’est le cas par exemple des agents de l’Etat transférés, à partir de 2004, des DDE vers les départements, et dont une partie pourrait prochainement rejoindre le bloc communal dans le cadre des nouvelles métropoles.

En effet, la loi RCT suscite beaucoup de questions de la part des cadres territoriaux. Elle aura des incidences réelles sur le travail des agents de la FPT et sur le fonctionnement des services publics locaux. D’abord concernant le dialogue social, grand oublié de la loi, qui n’apporte aucune garantie quant à sa continuité et sa qualité au cours des restructurations. Ensuite, concernant la gestion des carrières et rémunérations, bouleversée par les mouvements de personnels qui peuvent remettre en question les perspectives d’avancement et faire naître de nouveaux conflits sur le régime indemnitaire. Enfin, les changements perpétuels d’environnement de travail sont pour les agents une source légitime d’incompréhension, d’inquiétude voire d’angoisse. À l’occasion de restructurations, plusieurs situations difficiles doivent être anticipées et traitées par les collectivités : les doublons provoqués par les mutualisations, les modifications de l’organisation du temps de travail, la mobilité fonctionnelle des agents exerçant des fonctions d’encadrement, la difficulté à construire une culture communautaire dans les nouveaux EPCI…

Ces constats ne sont certes pas nouveaux, il s’agit de difficultés et d’enjeux pour ainsi dire inhérents à l’intercommunalité. La nouveauté réside dans l’ampleur que la loi RCT va donner aux mouvements de mutualisation et de regroupement des collectivités, dans des calendriers souvent très contraints. Or les expériences observées ont montré l’importance du temps donné au changement pour faire partager le sens d’un projet de coopération intercommunale, avec les citoyens et avec les agents, pour anticiper et organiser l’information, la concertation et l’adhésion et enfin pour mobiliser une organisation en vue de sa transformation. Ces changements s’accommodent mal des réformes menées dans la précipitation, sans réelle concertation avec les organisations syndicales et sans vision partagée à long terme.

Lors de son assemblée plénière du 4 janvier 2012, le CSFPT a accueilli ces conclusions avec satisfaction, dans la mesure où elles confirmaient certaines de ses intuitions, mais aussi avec une certaine inquiétude quant à la capacité de l’État et du législateur à entendre les craintes des agents et à y apporter une réponse. Rejoint sur ce point parla Direction générale des collectivités locales, il a souhaité que soit constitué un groupe de travail consacré à l’étude de ces impacts et aux moyens de donner un nouveau souffle à la réforme territoriale, en associant les agents cette fois.

Les auteurs de l’étude :

Simon BONNAURE, Jean-Philippe CHAUVIN, Olivia CODACCIONI, Emilie LAUDREN, Aude MORIOU, Héloïse PEROYS, Jonathan SAPÈNE et Yvanne THOBIE, élèves administrateurs territoriaux, promotion Salvador Allende (2011-2012)

 

Pour aller plus loin :

L’étude sur le site de l’INET :

etude reforme territoriale agents

L’étude sur le site du CSFPT :

synthese etude reforme agent territorial

 

Les impacts de la réforme territoriale sur les agents (étude commanditée par le CSFPT)
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