Retour sur la conférence organisée par le GT Politiques urbaines le mercredi 20 septembre 2023
Pourquoi cette table ronde ?
Le groupe thématique « Politiques urbaines » a organisé, le mercredi 20 septembre dernier, une table ronde relative à la politique de la ville. Cette initiative s’est inscrite dans le contexte marqué par les violences urbaines survenues à l’été 2023, lesquelles ont amené à mettre en perspective la politique de la ville et à questionner son efficacité.
L’idée de la table ronde était donc de réfléchir au lien existant entre les révoltes urbaines actuelles et la politique de la ville : autrement dit, ces émeutes traduisent-elles l’échec de la politique de la ville en France ou doivent-elles être appréhendées indépendamment de celle-ci ? Y’a-t-il crise(s) dans les banlieues ou est-ce la politique de la ville qui est en crise ?
Les intervenants
Lisa Thorez est administratrice territoriale. Elle est directrice de la politique de la ville, du renouvellement urbain et du logement à Reims ville et agglomération. Elle nous a décrit en quoi consiste concrètement la politique de la ville à Reims (7 quartiers prioritaires), laquelle est recentrée actuellement sur trois priorités :
- La réinsertion professionnelle : la ville et l’agglomération de Reims ont par exemple un rôle de facilitateur dans l’accès aux nombreux dispositifs existant en la matière. Par ailleurs, Reims s’est appuyé sur le programme national « Cité de l’emploi » pour développer sa « caravane de l’emploi », dispositif itinérant pendant l’été dans les QPV.
- Le cadre de vie et tranquillité résidentielle : Reims a par exemple mis en place une cellule de veille « tranquillité résidentielle » rattachée au maire, à la préfecture et aux bailleurs pour traiter les situations d’atteintes à la tranquillité résidentielle. L’idée est de partager les infos et trouver des solutions.
- La jeunesse : notamment celle qui décroche.
Didier Ostré, administrateur territorial et ancien DGS de la ville de Marseille et de Clichy sous-bois au moment des émeutes de 2005. Son parcours professionnel lui a permis de forger une conception particulière de la politique de la ville, dont il retient notamment les aspects suivants :
- La politique de la ville est une politique de la jeunesse. En France, les politiques de la jeunesse sont historiquement très liées à l’école. La politique de la ville permet de compléter cette approche par une approche plus systémique.
- La politique de la ville incite à l’évaluation des politiques publiques : puisque la politique publique est souvent remise en cause, elle doit souvent être évaluée. Or, cette évaluation de la politique de la ville a permis le développement de l’évaluation sur d’autres champs d’intervention des CT.
Que retenir de la conférence en quelques points ?
La politique de la ville est utile !
La politique de la ville est une boite à outils qui permet d’apporter des moyens supplémentaires à des quartiers qui en ont particulièrement besoin. Elle est structurée par le contrat de ville, et poursuit des objectifs clairs, tels que la réduction des inégalités entre territoires.
Il s’agit d’une politique qui s’ajoute au droit commun : la question de l’articulation entre politique de la ville et dispositifs de droit commun est donc cruciale. Or, depuis 30 ans, on constate que les moyens de la politique de la ville ont augmenté, mais parfois au détriment de moyens de droit commune qui eux ont baissé. Or, la politique de la ville est un supplément mais ne peut se substituer au droit commun.
C’est une politique transversale qui nécessite d’adopter une approche territoriale et partenariale : il s’agit de mobiliser ensemble des moyens supplémentaires autour d’un programme commun et transversal, afin de répondre aux besoins locaux. La question de la place des habitants reste à cet égard un enjeu central, pas totalement résolu.
Non, les violences ne sont pas un symptôme de son échec !
Dire que les violences urbaines sont un symptôme de l’échec de la politique de la ville serait lui faire porter des enjeux qui ne sont pas de son ressort (sécurité, insertion, intégration…).
Les violences de 2023 sont très différentes de celles de 2005 : en 2023, on a assisté à des scènes de pillages mais pas d’émeutes, à l’inverse de 2005 où il y avait une forte revendication sociale liée à la place des habitants de Clichy-sous-Bois, présentés comme des laissés pour compte. En 2023, ce n’était pas un problème social mais de délinquance, notamment alimentée par un contexte d’explosion de la pauvreté.
Depuis 20 ans, les mêmes questions se répètent sur l’utilité de la politique de la ville. Certes, les inégalités se poursuivent et les quartiers persistent : cependant, les habitants des quartiers ne sont plus les mêmes.