Le service public de gestion des déchets relève de la compétence des EPCI depuis 2017. Il est constitué d’une part de la collecte des déchets, et d’autre part des centres de tri et de traitement des déchets.
Les services publics de collecte prennent en charge :
Les déchets produits par les ménages (ordures ménagères, emballages recyclables) qui ne sont pas des encombrants ou des déchets spéciaux (déchets dangereux, déchets verts, etc.).
Les
déchets assimilés produits par les professionnels : en dessous d’un certain litrage hebdomadaire, les déchets non dangereux des professionnels sont assimilés aux déchets des ménages (à l’inverse, au-dessus d’un litrage hebdomadaire limite ou lorsqu’il s’agit de déchets dangereux, les professionnels doivent faire appel à un prestataire privé).
Les déchetteries permettent aux particuliers d’apporter leurs déchets spéciaux ou encombrants. Pour les professionnels, l’accès aux déchetteries est possible mais limité (réglementations sur la taille des véhicules utilitaires autorisés et sur la fréquence d’accès aux déchetteries). Pour les volumes importants, il existe des centres de tri privés.
L’objectif principal du SPGD est de réduire au maximum le volume de déchets traités par élimination (c’est à dire brûlés ou enfouis), afin de limiter autant que possible l’impact environnemental en bout de chaîne des processus de production et de consommation. Pour cela, il est nécessaire d’agir à différents niveaux :
- Réduire les quantités de déchets produites en responsabilisant les ménages et les professionnels ;
- Améliorer la collecte et le tri des déchets pour limiter le volume des déchets résiduels.
Outre une meilleure information des usagers (cf. encadré n°1), l’atteinte de ces objectifs passe par une évolution des modalités de financement du SPGD, afin de responsabiliser respectivement les usagers, les collectivités et les entreprises :
- Développement de la tarification incitative
- Hausse de la taxe générale sur les activités polluantes
- Renforcement de la responsabilité élargie des producteurs.
Toutefois, certaines de ces évolutions posent des difficultés majeures pour les collectivités.
1. Le développement de la tarification incitative brouille encore plus la frontière juridique entre la TEOM et la REOM
Pour financer la collecte des déchets ménagers et assimilés[1], les collectivités peuvent choisir trois modalités :
- Recourir exclusivement à leur budget général sans mettre en œuvre de financement spécifique.
- Mettre en place la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
- Mettre en place la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM)
La TEOM est le mode de financement majoritaire : elle représente 90% des montants collectés (≈7Md€). Elle est perçue par la grande majorité des EPCI et grandes communes, qui représentent 90% de la population française. Inversement, la REOM (≈0,8Md€) est principalement perçue par de petites communes et certains EPCI ruraux.
Originellement, la TEOM et la REOM ont une nature bien distincte :
La TEOM est un prélèvement fiscal[2], visant à financer un service public indépendamment du service effectivement rendu aux usagers. En conséquence, elle peut être complétée le cas échéant par une contribution du budget général.
La REOM est une redevance pour service rendu[3] dont le montant est calculé en fonction du coût réel du service[4] d’enlèvement des ordures et déchets assimilés. Contrairement à la TEOM, le montant payé par les usagers doit correspondre au coût du service (il est possible de demander une décharge de paiement en faisant valoir qu’il n’y pas eu recours au service). Par conséquent, la REOM ne peut pas être complétée par le budget général et doit intégralement couvrir le coût du SPGD, en fonctionnement et en investissement.
Cette dichotomie implique en principe une différence de mode gestion du SPGD selon le type de financement choisi. En effet, en vertu de la jurisprudence Hofmiller(avis du CE, 1992), le SPGD est un SPIC lorsqu’il est financé par la REOM, tandis que c’est un SPA lorsqu’il est financé par la TEOM. En effet, la REOM entraîne la possibilité d’assujettissement du service à la TVA, avec corrélativement le droit de déduire la TVA des dépenses intermédiaires.
Toutefois, dans les faits, la frontière juridique entre la TEOM et la REOM est floue :
Le juge administratif apprécie de manière souple le lien obligatoire entre service rendu et montant de la REOM.
Certaines collectivités, ayant pourtant opté pour la REOM, gèrent le SPGD comme un SPA (statut public du personnel, absence de budget annexe).
La loi n’imposant pas de financement unifié pour les syndicats mixtes, un syndicat de gestion des déchets peut regrouper des communes ou EPCI dont le financement est à la fois constitué de REOM et de TEOM.
En outre, le développement de la tarification incitative brouille encore plus la frontière juridique entre la TEOM et la REOM. La tarification incitative consiste à rendre une part de la TEOM proportionnelle au volume de déchets ménagers collectés chaque année. La loi de transition énergétique de 2015 a fixé un objectif de 25 millions d’habitants couverts par une tarification incitative pour le financement du SPGD en 2025. La part incitative peut représenter jusqu’à 45% du produit de la TEOM. Par conséquent, le lien entre TEOM et service rendu se renforce considérablement, et rend la dichotomie juridique entre TEOM et REOM d’autant plus obsolète.
2. La hausse de la taxe générale sur les activités polluantes met sous pression l’équilibre financier du SPGD
La taxe générale sur les activité polluantes est payée par les collectivités pour chaque tonne traitée par élimination (enfouissement pour 80% du produit de la taxe, incinération pour le reste).
Son montant augmente (cf. graphique), et la recette totale de TGAP devrait passer de 450M€ à 800M€ au minimum d’ici 2025. En outre, la hausse s’accompagne d’une disparition des réfactions (réductions du taux de base selon les performances des installations).
L’objectif est de faire internaliser aux installations de traitement des déchets leurs externalités environnementales. Toutefois, les collectivités disposent de marges de manœuvre réduites pour réduire les volumes de déchets à éliminer : une part significative des déchets qui finissent en décharge ou incinérés n’est pas recyclable, et les collectivités les plus performantes ont déjà épuisé toute marge de progrès en matière de réduction des ordures ménagères résiduelles (cf. encadré n°2).
En conséquence, nombre de collectivités se retrouvent obligées d’augmenter la TEOM ou la REOM en compensation, et jouent sur la redevance incitative.
3. Le déploiement la responsabilité élargie des producteurs comporte des limites
Le développement de la responsabilité élargie des producteurs (REP) s’accélère. La REP est basée sur le principe de « pollueur-payeur » : elle consiste à faire internaliser le coût du cycle de vie des produits aux filières de production et de distribution (une vingtaine de filières désormais, cf. graphique).
La REP se traduit notamment par le versement d’écocontributions collectées par des éco-organismes, qui en reversent une partie[5] aux collectivités ou aux opérateurs de collecte et de traitement des déchets.
Si le principe en France apparaît en 1975, c’est la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC) de février 2020 qui a amorcé une accélération du changement de modèle de production et de consommation basés plus seulement sur le traitement des déchets générés mais également sur leur prévention. La loi AGEC a :
Doublé le nombre de filières REP (cf. graphique) en vue d’étendre la responsabilité des industriels.
Créé une direction de la supervision des filières REP, confiée à l’ADEME. Cette nouvelle instance de gouvernance doit répondre aux limites constatées du système. En effet, les filières avaient été créées les unes après les autres sans souci de cohérence, et certains éco-organismes présentaient de mauvais résultats et une gestion de mauvaise qualité. In fine, la REP ne couvrait en 2020 que 15% du coût annuel de la gestion des déchets ménagers par les collectivités, alors qu’elle concerne 30% de la poubelle des ménages (en poids).
Renforcé l’atteinte des objectifs chiffrés et le régime de sanction pesant sur les éco-organismes. Si un système individuel a été mis en place, les éco-organismes doivent compenser les écarts constatés et encourent des sanctions financières jusqu’au retrait de l’agrément.
Créé des fonds financés par ces éco-organismes pour les aider à atteindre leurs objectifs :
- Le fonds réparation pour réduire le coût de la réparation quand un consommateur se rend chez un réparateur labellisé.
- Le fonds réemploi pour soutenir les acteurs de l’économie sociale et solidaire donnant une seconde vie aux produits.
A noter : Pour chaque filière, les déchetteries doivent prévoir une benne séparée. Par conséquent, le doublement du nombre de filières REP pose des problèmes de logistique, et surtout d’espace disponible (fortes contraintes foncières, objectif de ZAN[6]). La filière REP « bâtiment », qui devrait être créée en 2023, va notamment poser problème en raison des volumes à collecter.
Une solution qui aurait eu la faveur des collectivités était un accueil en « mélange » en déchetterie, avec un acheminement en aval vers des centres de sur-tri séparant les flux correspondant à chaque filière. Toutefois, l’enjeu de traçabilité des flux semble primer sur la faisabilité pour les collectivités. Ces dernières dénoncent une initiative privée défaillante, les filières REP se reposant sur les déchetteries publiques alors que ces dernières ne sont pas censées être les lieux de collecte principaux des déchets sous REP[7].
Pour aller plus loin :
- Sur la tarification incitative : https://www.lagazettedescommunes.com/772797/la-tarification-incitative-des-dechets-mode-demploi/
- Sur la REP : https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/elements-contexte/filieres-a-responsabilite-elargie-producteurs-rep
- Sur les solutions de réduction des déchets :
- https://www.lagazettedescommunes.com/800597/comment-rendre-le-traitement-des-dechets-vertueux-pour-le-contribuable-et-faciliter-linvestissement-des-collectivites/
- https://fne.asso.fr/actualite/que-peut-faire-ma-commune-pour-reduire-les-dechets-et-lutter-contre-le-gaspillage
- https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/valorisation-organique/methanisation
[1] Jusqu’en 2015, les collectivités ayant adopté la TEOM devaient financer le traitement des déchets assimilés via une redevance spéciale. En pratique, très peu le faisaient. Suite à l’arrêt CE, 2014, Auchan, qui a rappelé l’obligation légale de ne financer via la TEOM que la stricte collecte des déchets ménagers, la loi de finances pour 2015 a permis de régulariser la pratique de la majorité des collectivités en autorisant le financement de la gestion des « déchets assimilés » par la TEOM.
[2] La TEOM est assise sur les mêmes bases que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et est recouvrée par les services fiscaux.
[3] La REOM n’a pas de caractère fiscal. Elle est recouvrée directement par la commune, l’EPCI ou le concessionnaire.
[4] Des tarifs différents sont possibles : combinaison d’une part fixe et d’une part proportionnelle, ou bien fixation d’un forfait par foyer ou d’un montant par personne multiplié par le nombre de personnes habitant le foyer.
[5] Les éco-organismes doivent prendre en charge l’ensemble du cycle de vie des produits. Ils financent donc également l’éco-conception des produits, ou encore des fonds de réparation et de réemploi. Au total, sur les 1,7Md€ d’écocontribution, environ la moitié est reversée aux collectivités pour financer le SPGD.
[6] Zéro artificialisation nette
[7] Les filières REP sont censées mettre en place un maillage de points de collecte professionnels.