L’Europe, fondée pour « le bien-être de ses peuples » ne sait plus convaincre. Dans le monde en crise que nous connaissons aujourd’hui, les citoyens sont en attente de résultats. Ils dénoncent l’actuelle incapacité de l’Union à créer de la croissance et de l’emploi, à peser sur le monde de la spéculation, à apporter des réponses qui soient à la hauteur des enjeux mondiaux en termes de développement durable.
La crise est là. Il faut savoir la reconnaître. La défiance manifestée à l’égard du projet européen doit être interprété comme un appel au changement, adressé à tous ceux qui croient en la valeur du projet européen et qui le défendent. Et, en premier lieu, aux collectivités locales, qui ont compris depuis bien longtemps, dès la conception des premiers jumelages, jusque aujourd’hui aux coopérations transfrontalières ou aux euro-régions, que l’Europe ne se décrète a priori, de manière abstraite , elle naît de réussites et de solidarités effectivement réalisées.
La politique européenne, l’incarnation du projet des pères fondateurs, se jugera d’abord aux actes et non aux effets de discours. Et qui mieux que les collectivités locales pourraient transformer l’idéal en réalité ? L’Europe n’a d’intérêt que dans les réponses qu’elle apporte aux problèmes quotidiens de ses citoyens.
Dans le projet européen, la réussite économique, le progrès social et la vitalité démocratique en Europe sont interdépendants. La stratégie européenne de Strasbourg et du Rhin Supérieur incarnent cette ambition.
Les citoyens au cœur de la politique européenne.
Pour Strasbourg, l’Europe doit être portée par la volonté de la force publique et par celle des citoyens. Loin de la méthode Monnet (la construction européenne confiée à des élites) elle place au cœur de sa démarche européenne l’implication citoyenne.
Strasbourg,siège des instances démocratiques de l’Europe, développe une politique volontariste de démocratie participative qu’elle souhaite locale bien sûr, nationale mais aussi de niveau mondial : le forum pour la démocratie qu’elle organisera pour la première fois en octobre 2012 sous le patronage personnel du Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki Moon, en coordination avec Conseil de l’Europe et le MAEE, sera l’occasion pour les citoyens européens de dire haut et fort quel modèle de développement ils souhaitent pour la planète.
L’Europe de la croissance partagée.
Strasbourg et le Rhin Supérieur ont à cœur de prouver que l’Europe peut apporter de véritables avantages et qu’elle le fait en matière de prospérité économique et de création d’emplois, garants d’une politique sociale forte. Pour démultiplier l’action nationale et pour relever les défis du chômage, de la lutte contre le réchauffement climatique, de la protection de la biodiversité, la dimension européenne s’impose.
Pour cela Strasbourg développe une politique résolument européenne en termes de compétitivité, d’innovation et d’attractivité, dans la même ligne que les politiques développées au sein du Rhin Supérieur.
Pour une croissance économique durable, des emplois plus nombreux et meilleurs, et une compétitivité accrue, Strasbourg et le Rhin Supérieur se sont concentrés sur le développement de synergies entre territoires allemands, français et suisse, en particulier en matière de Recherche et de Développement. La mise en œuvre d’une coopération transfrontalière qui concerne potentiellement 160 centres universitaires, de recherches ou d’écoles supérieures pourrait permettre la constitution de grands ensembles industriels (une politique des clusters transfrontaliers est déjà en cours), soutenus par des pôles d’excellence universitaires transfrontaliers.
Ce tissu universitaire et économique qui se densifie ne laisse pas oublier les enjeux d’une protection sociale et d’un accès aux services publics adéquats pour les quelques 90 000 transfrontaliers qui chaque jour traversent la frontière pour aller travailler, qui restent encore des pionniers avec tout ce que cela comporte comme incertitudes et lourdeurs administratives. Le nouveau quartier des 2 Rives, à cheval sur la France et l’Allemagne aura à inventer une nouvelle vie quotidienne européenne, depuis la crèche franco-allemande, jusqu’à la prévention transfrontalière des risques de pollution du Port Industriel Strasbourg-Kehl.
C’est donc par les faits que Strasbourg et le Rhin Supérieur poursuivent et encouragent l’émergence d’un ordre économique et social européen, dans les domaines de la concurrence /coopération économique, de l’environnement, des services publics, des subventions aux entreprises, des aides régionales. Elles influencent à leur manière, la construction des règles du jeu pour le marché unique, la libre circulation des biens et des personnes.
L’Europe de la culture pour combattre les préjugés
On a déjà eu l’occasion de souligner l’importance des services publics pour l’incarnation de l’idéal européen. Parmi ceux-ci, Strasbourg et le Rhin Supérieur insistent sur la nécessité d’une offre culturelle riche, voire foisonnante, garante de la diversité, de la liberté d’expression et du pluralisme.
Car c’est en ayant une curiosité puis une connaissance de la culture de l’Autre, que pourra être dépassée l’Europe des préjugés. Si un stéréotype est une idée fausse, il n’en reste pas moins qu’il demeure un fait vrai : une méconnaissance qui pousse à la méfiance, au repli sur soi puis au rejet de l’autre.
La part que réserve Strasbourg à sa politique culturelle dans son budget et ses ressources humaines est sans équivoque : 25% du budget et 1 200 collaborateurs sur les 7 000 que compte l’administration mutualisée. L’EuroInstitut développe de son côté des formations particulières sur les échanges interculturels. Des pass culturels transfrontaliers sont proposés. Ainsi tombent les frontières mentales, ainsi s’enrichit l’ensemble des dimensions de la coopération européenne.
En guise de conclusion…
Le Rhin Supérieur, et Strasbourg en particulier, par leurs histoires particulières, leurs géographies emblématiques incarnent l’histoire de la construction européenne. Tout l’enjeu est de savoir si elles ont su aussi incarner l’Europe de demain, et la pression est particulièrement forte sur Strasbourg, capitale de l’Europe en France, scrutée par les diplomates de tous les pays du continent européen, réunis autour du Conseil de l’Europe.
C’est à nos yeux bien une success story qu’elles mènent dans leurs actions quotidiennes, dont le fil rouge est de nous rappeler chaque jour combien le continent européen porte haut et fort sa différence dans le monde. Faut-il le rappeler ? Il est le seul où la peine de mort soit abolie. Il est le seul où l’éducation de base est gratuite, où une prise en charge collective de la santé et de la vieillesse fonctionne, où toute discrimination raciale est interdite. Il est aussi l’un des seuls à promouvoir l’égalité dans les relations entre les hommes et les femmes. Il est porteur de valeurs démocratiques, qu’il n’impose pas au gré de ses propres intérêts. Enfin, il porte un modèle de développement durable en termes de lutte contre le réchauffement climatique, de protection de la biodiversité.
La petite musique européenne de Strasbourg et du Rhin Supérieur est en passe de devenir, nous le souhaitons et nous l’espérons, une belle et grande symphonie source d’inspiration pour tous les Européens convaincus, dont nous faisons partie, qui veulent croire que l’Europe des pères fondateurs reste d’avenir.
NB : cet article a été rédigé à la suite de l’intervention du 13 février dernier de M. Pierre Laplane, DGS de la CUS et de Mme Anne Thévenet, directrice adjointe de l’EuroInstitut de Kehl, à l’invitation du « groupe Europe » et devant les élèves-administrateurs de la promotion Salvador Allende de l’INET.